Je vis le rêve tropical... sur l’île d’Anglesey
J’ai fait mes études à l'Université de Bangor où j’ai obtenu un diplôme en biologie marine, puis une maîtrise en conchyliculture avec une seule idée en tête : me rendre dans un paradis tropicale lointain pour diriger une sorte de ferme aquacole. Ça n'a pas vraiment marché. Je connaissais un type qui cultivait des huîtres ici dans le détroit de Menai ; il ne voulait pas continuer, alors il m'a vendu sa ferme et je l'ai développée à partir de là.
Nous cultivons des huîtres et des moules à partir de semences
Nous achetons ce qu'on appelle des huîtres de semence, et nous les cultivons dans des sacs sur des supports en acier. Au fur et à mesure que les huîtres poussent, nous les éclaircissons comme des plantules dans un pot. Nous les obtenons à un peu moins d'un gramme et nous pouvons produire une huître de 100 grammes en même pas 12 mois, mais pour obtenir une très bonne récolte, il faut compter entre 18 et 24 mois. Pour les moules, nous travaillons à partir de semences sauvages capturées dans les zones où il y a des colonies spontanées mais qui ne conviennent pas à la croissance des moules parce que les tempêtes pourraient venir les emporter. Nous sortons donc avec un petit bateau pour récolter les semences et les pondons à nouveau à la ferme. Il faut attendre entre deux et trois ans pour atteindre la taille commerciale.
Dans mon travail, tu n'as pas besoin d'aller à la salle de sport
Nous récoltons à la main. Depuis une vingtaine d'années, une corde et un plateau sont le summum de la technologie. J'ai essayé beaucoup de techniques, mais il s'avère que l’effort physique pure est la meilleure façon de faire. Je n'ai pas fait de sport depuis que j'ai quitté l'université il y a un quart de siècle, et j'ai toujours le même tour de taille. La plupart des gens qui viennent travailler pour moi perdront six kilos dans une semaine ou deux. Un gars qui travaille pour moi depuis quelques années a repris le rugby après avoir remorqué ces plateaux. Il est devenu leur joueur de la saison.
Marcher dans la boue c’est tout un art
Une tonne de moules produira 17 tonnes de boue chaque année, donc 50 tonnes de moules, c'est l’équivalent de presque 800 tonnes de boue. Marcher dans la boue, c’est tout un art. Les gens qui n'ont pas cette technique passent la plupart de leur temps coincés et se trouvent en difficulté. J'ai eu pas mal de personnalités de la télévision complètement coincées dans la boue au point qu'on a dû les déterrer.
Les idées viennent en travaillant
Récolter les mollusques et les crustacés n’exige pas vraiment un effort intellectuel, ce qui vous donne le temps de réfléchir. Je suis toujours à l’affût d’améliorations, à des techniques pour faciliter la tâche. J'ai conçu et construit mes propres systèmes de purification qui nettoient les mollusques avant leur consommation humaine. J'ai développé mon propre système et conçu mes propres calibreuses, et je planche sur une nouvelle machine pour la récolte des moules.
Le détroit de Menai donne une saveur unique aux fruits de mer
Nous avons des algues qui fleurissent ici, appelées phaeocystis, qui confèrent une saveur douce et agréable aux fruits de mer. C'est comme ça que le système marche : les algues arrivent d'Amlwch et de Red Wharf Bay et se dirigent vers le détroit de Menai. Avec les courants, une flux constant d'eau regorgeant de nourriture passe sur les coquilles.
La clé de la qualité, c'est de tout faire en interne
Je cultive, je nettoie, je purifie, j'emballe et je livre. Je contrôle tous les aspects, donc je sais que mon client obtient le meilleur que je peux lui donner. Les huîtres ont une durée de conservation phénoménale si elles sont traitées correctement, ce qui nous permet de les envoyer plus loin que les moules. Mon fils suit une formation de chef cuisinier et a travaillé au Dorchester à Londres, où Alain Ducasse utilisait mes huîtres dans son restaurant. J'ai aussi eu le retour du chef Alain Roux qui m'a dit que mes huîtres étaient fantastiques. Je fournis également des coquillages à trois restaurants sur Anglesey - Dylans, The Marram Grass et Catch 22 à Valley. Ils s'approvisionnent directement à la ferme et ça c’est top.
J'essaie de déplastifier toute ma ligne d'emballage
Pour les huîtres c’est assez facile, parce que traditionnellement elles sont toujours emballées dans des barquettes en bois, mais pour les moules, tout est fait en plastique. C'est bon marché et ça fait l'affaire, mais le plastique n'est pas recyclable et finit dans un site d'enfouissement. Mon sac extérieur est maintenant fait de fécule de pomme de terre et le filet intérieur est en coton tissé. Si je peux faire en sorte que 98 % de mon entreprise fonctionne sans plastique, j'aurai réussi.
Ça ne me dérange pas de partager avec la faune
Ici nous sommes dans une zone spéciale de conservation, alors nous sommes très conscients de la faune que nous avons ici. Une mytiliculture intertidale est une source de nourriture pour les organismes marins et terrestres, ce qui en fait une communauté diversifiée. Nous avons 40 ou 50 huîtriers ici en permanence, et en hiver, nous voyons jusqu'à 300 oiseaux de passage. Mais si vous les élevez correctement, les moules sont soit trop petites pour qu'ils s'en donnent la peine, soit trop coriaces. L'oiseau le plus intelligent est le corbeau. Ils ne se fatiguent pas à picorer les moules comme les huîtriers ; ils utilisent la gravité. Ils ramassent une moule, la font voler au-dessus de la route et la laissent tomber.
La nourriture que nous produisons ici est excellente
Il n'y a pas que les mollusques et crustacés, la qualité de la production alimentaire à Anglesey est vraiment excellente en général. Nous avons aussi un environnement naturel époustouflant, il n'y a pas d'industrie lourde, nous avons toujours des espaces sauvages et des vues fantastiques. Vous pourriez naviguer dans le détroit de Menai le matin et faire de la randonnée jusqu'au sommet de Snowdon l'après-midi. Mon métier dépend d’un environnement propre et agréable pour produire des mollusques de qualité. Je suis d'avis que nous sommes des gardiens plutôt que des propriétaires. Quand je serai mort et enterré depuis longtemps, ma plage sera toujours là, exactement la même qu'aujourd'hui.